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les minutes impossibles
18 juillet 2006

Recuerdo... je me souviens

 

 

retiro
parc du Retiro à Madrid

 

Recuerdo... je me souviens...

 

Michel RENARD

Recuerdo. Pourquoi ce titre ? «Recuerdo, recuerdo tanto...! Pero non con la memoria...», ainsi commence l'ouvrage de Gabriel Celaya (Penultimas tentativas, 1960) qui évoque les complications et impostures de la mémoire : «J'ai tant à me souvenir que je ne sais plus qui je suis» (p. 46). Je dois à Mme Calviac, ma professeur d'espagnol au lycée, d'avoir eu l'esprit ouvert à la littérature et à la poésie de l'Espagne castillane. Je l'en avais remerciée en lui rapportant d'un voyage, effectué seul à Madrid lors des congés scolaires de Pâques, en mars 1972, un recueil de poèmes qu'elle ne trouvait pas alors à Paris. Manière de s'acquitter d'une dette... pourtant jamais éteinte.

En espagnol, recuerdo signifie : je me souviens. L'absence de pronoms (pronom sujet et pronom réfléchi) donne une force plus grande à l'expression. Un peu comme remember, en anglais ; mais j'appartiens au monde des langues latines... et le vocabulaire anglo-saxon a moins de vibration pour moi.

Cela me fait aussi penser, en vieux français, au verbe recorder (rappeler à son esprit) ou à recordation (mention, mémoire), comme dans cette phrase de Guillaume de la Perrière, juriste et poète toulousain né vers l'an 1500, qui évoque dans le titre de son ouvrage : les "Annalles de Foix", et "jointz a ycelles, les cas et faictz dignes de perpetuelle recordation"... (1539).

Les faits dignes de perpétuelle recordation, j'aime bien cette phrase, pour sa tension contre l'oubli - préoccupation qui accompagne mes recherches historiennes. Car, pour être historien, ne faut-il pas d'abord être sensible à sa propre histoire ? L'intérêt de la chronologie comme principe d'intelligibilité va de pair avec la réceptivité à son inscription personnelle dans une lignée d'êtres qui vous ont précédé et qui vous succèdent, à l'interrogation sur le sens de ce destin.

Sans oublier le traditionnel émoi devant le temps qui passe de sa propre vie. Ainsi, qui ne pourrait dire avec Montaigne : "Et me vay amusant en la recordation des jeunesses passées" ?

Cela me fait encore songer, par proximité lexicale, au terme arabe dhikr (rappel, invocation), très riche de sens puisqu'il évoque tout ensemble : le Coran lui-même, la prière, l'invocation de Dieu par la récitation de formules ou de louanges, le rappel de Dieu dans son coeur, l'enseignement et l'étude...

¡ Soy tan antiguo ! Mis células saben mucho más que yo. Pero todo en ellas es puntiforme e inconsecuente : Se manifesta y, en lugar de proseguir, desaparece. No hay cosas, ni sustencias, ni yos. NadaDacos___Julie_dans_la_m_moire_blanche permanece, adorable, como una posibilidad de salvación o como un último recurso. No hay ídolos imperantes, ni animales sagrados, ni héroes ancestrales, ni hombres que Uno pueda llamar tales porque algo dura en ellos idéntico a sí mismo. Sólo hay resplandores alucinados. (Gabriel Celaya, Penultimas tentativas).

- "Je procède d'une haute antiquité ! Mes cellules en savent beaucoup plus que moi. Mais tout en elles est moléculaire et inconséquent : il en sort quelque chose qui, au lieu de se perpétuer, disparaît. Il n'y a ni choses, ni substances, ni moi. Rien ne demeure, rien à adorer comme une possibilité de salut ou comme un dernier recours. Point d'idoles impérieuses, point d'animaux sacrés ni héros des temps révolus, ni humains qu'on puisse considérer comme tels, parce qu'en eux subsiste toujours quelque chose d'identique à soi-même. Il n'y a que d'hallucinantes splendeurs".

Au pessimisme foncier de Celaya, j'opposerai une religion foncière, fitra dans le langage coranique, qui met l'homme en relation avec une primordiale existence par laquelle, comme l'humain de Celaya qui transcende le temps, il peut ressentir les atomes du monde comme les siens. Se souvenir donc, c'est récapituler ce qui en soi touche à ce qui nous dépasse.

Michel Renard, décembre 2005

 

Celaya_jeune__crivant

 

 

 

 

 

 

 "Je procède d'une haute antiquité ! Mes cellules en savent beaucoup plus que moi" (Gabriel Celaya)

Gabriel Celaya (1911-1991)

 

Dacos_2  Penultimas

               ici : "le carré coupé", et ci-dessus dans le texte :
               "Julie dans la mémoire blanche", deux oeuvres
               de Dacos (site - août 2007  le lien n'est plus valide...)

 

contact : michelrenard2@aol.com

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mardi 6 janvier 2009

Une petite voix que nous connaissons bien
  nous rend visite le soir. Une voix d'enfant qui
  nous raconte ce qui se passe là-bas, comment
  sont les gens, ce qu'on y trouve. Lentement il
  nous berce, nous accompagne jusqu'au som-
  meil, nous ferme les yeux...
  Non.
  Rien de cela.
  Qu'une inépuisable, inexorable absence.
  Rien qu'une mort.
Et un nom : VINCENT.


Thierry Metz, Lettres à la bien-aimée, éd. L'arpenteur, Gallimard 

Par_del__le_mur
Par-delà le mur, photo Caroline Ruelle source



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